La Charge De La Brigade Légère - Michael Curtiz (1936)
Si là, maintenant, il fallait crayonner sur un bout de papier le nom d’un couple Hollywoodien à la relation masochiste dont l’ (in)complicité accouchait malgré tout de véritables classiques, je citerai… Michael Curtiz et Errol Flynn ! Réunis pour la seconde fois après avoir tourné ensemble Capitaine Blood (que des classiques je vous dis !), les deux hommes, sous l’égide de la Warner, revenait, avec La Charge De La Brigade Légère, sur un tragique épisode du milieu du XIXè siècle, qui vit qui périr 600 hommes de l’armée britannique durant la guerre de Crimée contre les troupes russes. Bien que le scénario prenne ses distances avec la réalité historique pour ne pas faire état de la responsabilité du commandement britannique dans ce drame (tout cela en vue d’iconiser le personnage qu’interprète Errol Flynn), il fait bon de relever que sur le même sujet (celui de l’impérialisme anglais aux Indes), La Charge De La Brigade Légère demeure cent coudées au-dessus de Les 3 Lanciers Du Bengale, que réalisa un an plus tôt Henry Hatthaway.
On peut donc se satisfaire que, dans un film glorifiant la doctrine politique de la Grande-Bretagne d’alors, Michael Curtiz ne se soit pas livré à une caricature des Indiens comme le fit si inélégamment Henry Hatthaway avec Les 3 Lanciers Du Bengale. Si l’ignominie des actes étaient à mettre au crédit des troupes de Surat Khan, Curtiz n’oubliait pas d’évoquer dans une poignante séquence (le siège de Chukoti), que des hommes et des femmes de ces territoires d’Asie du sud avaient également pris part à la lutte et péri aux côtés des britanniques. Bien qu'à propos de la colonisation, La Charge De La Brigade Légère est loin de faire preuve du même progressisme et de la même remise en question d’une idéologie que Capitaine De Castille (à propos d’une autre époque, il est vrai), il n’apparaissait pas si évident que ça à Michael Curtiz et aux scénaristes du film de faire admettre aux frères Warner que la suprématie blanche aux Indes n’y était pas que toute puissante, de la même manière que la radicalité de certaines scènes pouvait impressionner pour une production de ce genre.
Par ailleurs, l’excellence du film tenait aussi dans le développement de cette sous-intrigue qui voyait une relation triangulaire et amoureuse s’établir entre les personnages de Patric Knowles, Olivia De Havilland et Errol Flynn, dont l’enjeu dramatique s’imbriquait au reste du récit sans en court-circuiter le rythme, pour contribuer même à magnifier dans de tragiques figures chacun des protagonistes.
On notera également avec quel talent Michael Curtiz saisissait en une quarantaine de secondes et une poignée de mots la forte amitié liée entre Errol Flynn et David Niven, pour la minute suivante et avec une cruauté certaine, balayer du monde des vivants leur relation.
Si, se conformant au cahier des charges du film d’aventure, la dernière séquence La Charge De La Brigade Légère allait se révéler être un authentique morceau de bravoure du cinéma (séquence par ailleurs dirigé par B. Reeves Eason, célèbre pour être l’auteur de la course de chars de Ben Hur), l’intégralité des scènes d’action de ce film tendait à époustoufler le spectateur avec cette précision quasi-chirurgicale du montage. Film de toutes les premières (1 200 000 dollars de budget, un record pour l’époque ; première partition musicale pour un film de la part de Max Steiner ; en raison du nombre important de chevaux qui furent abattus à l’issue de la séquence du raid de la brigade légère, des mesures drastiques furent prises aux USA pour interdire certaines pratiques de tournage), La Charge De La Brigade Légère saura donc brillamment se faire pardonner ses manquements pédagogiques grâce à l’efficacité de son scénario et à la flamboyance de sa mise en scène.
On appelle ça le pouvoir du cinéma.