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  • L'instant chronique des (a)mateurs de cinoche thérapeutique. L'intégralité de ces chroniques ont été écrites, à l'origine, pour le forum Escape To Paradise (où vous y retrouverez bien d'autres choses encore ! ;-)
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15 juin 2011

Blue Collar - Paul Schrader (1978)

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1976. Après avoir traversé l’une des plus grandes crises morales de son histoire, l’Amérique choisit d’hisser à sa présidence le candidat démocrate Jimmy Carter, propulsé champion de vertu d’un pays désagrégé, malade de ses cauchemars paranoïaques, désabusée, au bord du K.O.

Déjà marqué par les événements ayant traversés son cinéma (de l’assassinat de Kennedy au Watergate) et ébranlé par la crise financière des studios, Hollywood, en cette fin des années soixante-dix, allait aussi profiter de ce renouement moral d’une tradition politique, pour soumettre au public la renaissance du cinéma de divertissement et de grand spectacle. C’est l’avènement de Star Wars, Grease, Superman ou Rencontres Du 3è Type. Si pour de nombreux réalisateurs faire rêver est désormais devenu une ambition légitime (et partagée par les spectateurs), pour d’autres c’est aussi le temps de résister et de poursuivre l’expression d’un cinéma plus engagé. C’est le cas de Paul Schrader qui, après avoir donné l’occasion à Scorsese de mettre en images aussi bien ses propres psychoses que le vérisme d’une Amérique traumatisée et traumatisante avec Taxi Driver, allait pour son baptême du feu derrière la caméra, passer au vitriol le fonctionnement du syndicalisme du monde ouvrier de l’ancienne capitale mondiale de l’automobile, et fierté de tout un pays : Detroit.

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Zeke Brown (Richard Pryor), Jerry Bartowski (Harvey Keitel) et Smokey James (Yaphet Kotto), trimballent leur amitié entre deux tôles soudées à l’usine, quelques bières au troquet du coin, une partie de bowling en famille, ou des virées nocturnes mêlant drogue et petites pépés. Rattrapé par la réalité d’un quotidien toujours plus asphyxiant pour les classes les moins favorisées (fisc, dépenses de santé, dettes…), les trois hommes cambriolent le bureau local de leur syndicat. Supposé receler quelques centaines de milliers de dollars, le coffre dérobé ne leur livrera à peine de quoi s’acheter un costard, et de la paperasse à foison. Mais en mettant le nez dans les documents dont il devait se débarrasser, Zeke va découvrir de compromettantes informations sur le financement du syndicat et ses ramifications mafieuses. Les trois hommes entreprennent alors de monnayer, auprès du syndicat, la restitution de ces précieux documents…

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D’apparence moins inspiré sur le plan personnel que Taxi Driver, l’influence protestante de Paul Schrader (sans toutefois ignorer l’apport de son frère, Leonard, à l’écriture) se faisait pourtant bien prégnante dans Blue Collar. Ne serait-ce déjà que pour la mise en exergue ou dénonciation des actions corruptrices d’une institution représentative du peuple (un des fondements du protestantisme), mais aussi sous l’impulsion du personnage interprété par Yaphet Kotto, rappelant à lui seul, au cours de son évolution, les trois concepts de base de la pensée protestante : le pêché, la rédemption et la grâce (et au spectateur de lier les pièces du puzzle). L’on relèvera aussi que ce sont, sans doute, autant ses convictions religieuses reposant sur les thèses de Martin Luther que le fait que l’action se déroule dans l’une des métropoles américaines concentrant la plus forte population noire, qui poussèrent Schrader à imposer au studio, entre Harvey Keitel et dans des rôles principaux, Yaphet Kotto et Richard Pryor. Parce que c’était peut être aussi ça, l’illustration des années Carter au cinéma (?)

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Exposant une filiation ou une descendance presque directe avec un film comme Sur Les Quais (époque oblige, les méthodes de racket sur la classe ouvrière s’affichaient de manière moins pernicieuses que dans Blue Collar) et surement très inspiré par le documentaire Harlan County sorti deux ans auparavant, Paul Schrader se livrait à une lecture de l’histoire proprement inquiétante sur la nature et rôle des syndicats, plus prompt à tirer parti de la faiblesse de l’homme et révéler au grand jour sa nature la plus cupide, qu’à respecter ses engagements de défense des intérêts du salarié contre le patronat, toujours plus puissant chaque jour (voir la récurrence de ce plan dominant le film, où un gigantesque panneau faisait défiler le nombre de voitures sortant de l’usine).

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Derrière la réussite formelle de Blue Collar à mélanger avec régal les genres, de la chronique sociale au thriller, en passant par la comédie et le caper-movie (!), pour glisser progressivement vers les enjeux politiques de l’appareil syndical, Paul Schrader nous rappelait avec pessimisme, dans un saisissant plan final qui valait tous les discours, que, jusque dans la lutte d’hommes et de femmes unis pour une seule et même cause (la justice sociale), les perspectives de changement de la société américaine étaient viciés par les rapports raciaux et aliéné par le capitalisme de son système. Lors des élections présidentielles de 1980, Jimmy Carter était lourdement battu par Ronald Reagan.


″Ils dressent le noir contre le blanc, le vieux contre le jeune, tout ça pour nous retenir à notre place″
. Smokey James, 1977.

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